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Cher membre du Club,

Nous y sommes presque.

Et ce n’est pas un concours ni une performance. Mais plutôt une vision à retenir sur le marché.

En 2023, le trafic aérien reviendra proche du record absolu atteint en 2019 (avec 4.5 milliards de passagers transportés).

Évolution du trafic aérien dans le monde et en Union Européenne (Source Eurostat et OACI)

De ces chiffres il faut retenir 2 informations :

  • 31% des passagers en 2019 ont voyagé avec une compagnie low-cost ;
  • La demande est aujourd’hui tirée par les pays ayant les plus fortes populations et de la marge dans le transport aérien : Inde et Turquie.

Quoi que fassent les pays occidentaux, les émergents vont tirer la demande qui devrait doubler d’ici 2037 et tripler d’ici 2050.

Un marché de 4.5 milliards de passagers mérite notre attention.

Car j’ai été surpris par le secteur qui en bénéficie le plus. Et sur lequel nous avons un avantage.

Pour le reste, je propose à notre ministre des Transports (qui sait, il nous lit peut-être ?) une stratégie pour que le transport aérien français tire son épingle du jeu.

Nous avons un champion national, et des barrières à l’entrée

Que ceux qui ont volé sur Caravelle ou DC-10 lèvent la main !

Il y avait un temps (pas si lointain) où plusieurs avionneurs (constructeurs assembleurs) se partageaient le marché : McDonell Douglas, Sud Aviation, Matra, Avro, etc.

Depuis 2000, Boeing et Airbus ont tout mangé, tout concentré, et grossi.

Et ce sont eux qui gagnent, et font gagner leurs actionnaires :

Progression du cours de bourse des constructeurs / motoristes (Source : Panthéon)

Outre les avionneurs-assembleurs, les équipementiers et motoristes que sont Honeywell, Safran et Rolls-Royce sont des bons alliés dans la performance du marché.

Au départ, cela m’a semblé contre-intuitif : des industries lourdes, fortement consommatrices de capital, un personnel ouvrier important, et des cycles de cash longs (délai entre la signature au carnet de commandes et la livraison-règlement) …

Certes, ce sont des enjeux de taille pour ces industriels. Mais qu’ils compensent par une position unique : ils sont des « champions nationaux » !

Grossièrement, c’est un concept économique qui permet aux états de protéger leurs monopoles.

En pratique, les champions nationaux décident seuls de l’offre au niveau national ou parfois régional, et personne ne peut leur faire de concurrence car les barrières à l’entrée sont trop élevées.

Ces barrières sont surtout des coûts d’établissement, des permis, des licences qu’ils n’auraient pas obtenu sans l’aide de l’état.

Airbus est un bon exemple que nous avons la chance d’avoir en France (et en Europe) : son capital est détenu par la France, l’Allemagne et l’Espagne.

Peu d’entrepreneurs raisonnables se lèvent un matin avec l’ambition de concurrencer Airbus. Imaginez : le coût des usines, des robots, des ingénieurs, des centres d’essai… etc.

Ajoutez à ça le coût de la réputation à établir. Même si vous êtes un avionneur techniquement au point, quelle compagnie aérienne va vous faire confiance si personne ne vous connait ?

En l’occurrence, il n’y a que 2 grands avionneurs et une demi-dizaine de motoristes à l’échelle mondiale.

Et si vous voulez un avion, ce sont eux qui décident des prix. Et si vous voulez le faire réviser, l’entretenir ou le remplacer, c’est pareil.

C’est un avantage comparatif ÉNORME.

Tant pis pour ceux qui voudraient créer un nouvel acteur avionneur ou motoriste – c’est trop tard.

Et tant mieux pour les actionnaires : ils bénéficient pour longtemps d’une rente de monopole.

Les aéroports face à l’impensable

J’ai une passion pour le groupe ADP (Aéroports de Paris).

Le modèle est redoutable : quiconque passe par un aéroport (passager, compagnie aérienne, service de restauration, boutique duty free, pharmacie, taxi, opérateur de parking, hôtel, et j’en oublie) DOIT PAYER POUR PASSER.

Exploiter un aéroport, c’est maîtriser un super-péage avec des dizaines d’options pour augmenter le panier moyen.

Et même s’il est souvent agréable de voyager, le plus intéressant est d’être le péagiste.

Car si nous avons à Roissy et Orly des boutiques Hermès et des stands de macarons Ladurée, certains aéroports à l’étranger ressemblent carrément à des centres commerciaux (Miami, Singapour) ou à des villes à part entières (Hong-Kong, Atlanta).

Les aéroports ont donc de quoi se frotter les mains face aux perspectives d’augmentation du trafic. Qu’est-ce qui pourrait mal se passer ?

Performances boursières des exploitants d’aéroports cotés en Europe

Les aéroports ont donc de quoi se frotter les mains face aux perspectives d’augmentation du trafic.

Surtout que là aussi, il s’agit pour la France d’un monopole sur certains grands aéroports. Les exploitants fixent le prix du péage.

Qu’est-ce qui pourrait mal se passer ? La réponse est dans le graphe ci-dessus.

Revenons fin 2019 : qui pouvait croire à un confinement à l’échelle mondiale, avec des avions cloués au sol pendant 2 mois, et un trafic très ralenti pendant 2 ans ?

Malgré le modèle ultra solide des aéroports, quel investisseur ne pense pas au risque qu’il a déjà connu ?

L’histoire post-2020 montre qu’il y a des pays qui choisissent de fermer durablement leurs frontières (Chine), de ne pas desservir ou survoler certaines zones (Russie), et que des énièmes vagues de pandémie sont à craindre.

Les exploitants d’aéroports sont encore des dossiers fragiles pour l’investissement. L’exemple d’ADP montre que malgré l’attractivité touristique de Paris et de la France, le groupe ne s’est toujours pas remis de la crise du Covid.

Mais c’est toujours « moins pire » que les compagnies aériennes.

Les compagnies vont desservir les 2 pôles

La crise Covid a été un bain d’acide pour les compagnies aériennes.

Depuis 5 ans, seule Ryanair dégage du profit pour ses actionnaires et parvient à relever la tête.

Les autres dossiers sont à éviter pour encore longtemps.

La plupart des compagnies ont demandé un soutien à l’état pour ne pas couler. En France, Air France a emprunté 4 milliards d’euros, un prêt portant sa dette à un niveau insupportable.

Ryanair fait +35% quand les autres plongent à -60%

Mais la digestion de cette crise n’est que le premier de leurs problèmes.

Maintenant, songez à tous les autres :

  • Financer l’acquisition et l’entretien d’une flotte d’avions modernes ;
  • Lisser le prix du kérosène dans un contexte d’augmentation du baril
  • Satisfaire les syndicats de personnel navigant (on se souvient de l’affaire de la chemise arrachée du DRH d’Air France)
  • Atteindre un objectif de neutralité carbone d’ici 2030 (impossible)
  • Faire face aux prix agressifs des compagnies low-cost ou au niveau élevé de qualité des cabines business des compagnies du Golfe et asiatiques.
  • Etc.

Car dans ce secteur précis, il y a de la concurrence !

Sans affirmer qu’une compagnie aérienne se monte comme une start-up, il suffit d’un avion et de personnel de bord pour démarrer. Rien qu’en 2023 ce sont 15 compagnies qui se lancent !

Et la plupart ont compris l’intérêt de choisir un marché de niche.

Ma prédiction est qu’avec l’augmentation du trafic aérien, l’offre gagnera à se polariser.

L’inflation, le coût des salaires et du carburant, les taxes environnementales à venir vont mécaniquement augmenter les prix. Voyager va devenir plus cher, mais sans décourager les passagers.

Pôle « riche » : les pays émergents vont tirer une offre pour une expérience de voyage premium / haut de gamme sur du long courrier (vols d’Asie vers Europe ou Amérique).

Cette demande sera soutenue par les voyageurs d’affaires qui auront tendance à se tourner vers les meilleures cabines business – n’étant pas les comptables de leurs dépenses.

Pôle « petit budget » : les cabines économiques étant désormais assez proches des cabines low-cost, la tendance va être à la densification du low-cost.

Plus besoin d’écran (tout le monde a un téléphone ou une tablette) ou de plateau repas pour un trajet de moins de 4h30 (ou alors, il faudra payer). L’important sera le prix, peu importe le niveau de confort.

Même si ce n’est guère enchanteur, c’est la démonstration effectuée par Ryanair depuis sa création.

D’ici quelques années, on paiera un peu plus cher pour une classe éco qui ressemblera à du low-cost. Ou beaucoup plus cher pour une classe haut de gamme qui sera exceptionnelle.

D’ici là, je tiens les compagnies aériennes à l’écart de mon portefeuille. Mais pas leurs fournisseurs !

Je vous reparle très vite,

D’ici là, visez juste et placez bien.

Felix Baron