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Cher Membre du Club,

Ils étaient les 36 millions de la discorde.

Et ils sont devenus les 36 millions de la concorde.

Carlos a de quoi sourire : il va toucher un bonus

Dans un monde d’actionnaires, tout le monde devrait se féliciter de voir les patrons gagner des sommes exceptionnelles.

Pourtant, quel journal n’a pas entretenu la polémique sur le salaire de Carlos Tavares, patron de Stellantis (constructeur d’Alfa Romeo, Fiat, Peugeot, Opel, Jeep, DS, Citroën, Chrysler, Lancia, Dodge, etc.) ?

Les journalistes oublient un détail : ce chiffre ne sort pas du chapeau de Mr. Tavares.

Les rémunérations du CEO de Stellantis ont été votées par le comité des rémunérations. Lui-même nommé par le conseil d’administration, qui dépend du vote des actionnaires.

Au titre de l’année 2023, Carlos Tavares va toucher :

  • 4,5 millions de salaire brut (2 M€), avantages en nature (0,6 M€) et provisions de retraite (1,9 M€) ;

  • 22 millions de bonus en cash / en actions ;

  • Et 10 millions de prime de transformation du groupe.

On voit bien que ce ne sont pas les actionnaires qui écrivent les articles de presse. Non, les actionnaires comptent leurs plus-values : +100% en moins de 2 ans.

Les actionnaires qui ont investi dans Stellantis se partagent 40 milliards de plus-value sans avoir levé le petit doigt – mais ça, ça ne choque personne.

Au lieu de débattre, je vous propose dans ce billet de comprendre pourquoi vous devriez toujours valoriser le salaire d’un patron dont vous êtes l’actionnaire.

Et bien sûr, je vous dis comment faire !

Warren Buffett et moi sommes d’accord : tant mieux

À mon avis, Tavares n’a pas besoin de gagner autant de salaire « fixe » – la partie à 4 millions. La diviser par 2 ne changerait pas grand-chose.

Buffett dit souvent que le recrutement et la négociation d’un patron sont les 2 épreuves les plus difficiles pour un investisseur.

D’une part, le CEO doit se sentir valorisé par son « package » de rémunération, pour ne pas avoir envie d’aller voir ailleurs.

Et de l’autre, il doit être suffisamment aligné avec les intérêts des actionnaires pour créer de la valeur pour eux.

Raison pour laquelle je partage l’avis de Buffett : un salaire fixe confortable mais minoritaire, et surtout des bonus liés à la performance de l’entreprise, sur plusieurs critères.

Et c’est le cas de Tavares ! Pour la partie variable, les 22 millions dépendent :

  • Du résultat opérationnel ajusté (comment on améliore la profitabilité) ;

  • Du cash-flow industriel (combien on fait rentrer dans nos caisses) ;

  • Des synergies entre les constructeurs (comment l’union de marques sur plusieurs continents permet des économies d’échelle);

  • Des ventes de véhicules à faible émission (à quel point Stellantis s’engage réellement dans la transition énergétique) ;

  • D’indicateurs de qualité sur (i) les rappels techniques, et la satisfaction des clients sur (ii) les voitures neuves et (iii) les voitures d’occasion (est-ce que les voitures sont fiables et les clients sont contents ?).

On remarque que les critères ne sont pas liés au cours de bourse – et donc pas directement à l’intérêt visible des actionnaires.

Mais c’est une manière de rémunérer aussi la performance si le marché boursier est défavorable.

Et on remarque aussi que si tous les critères hors cours de bourse sont satisfaits, cela va mécaniquement se traduire sur le cours de bourse.

Et c’est exactement ce qui s’est produit.

« Le Mbappé de l’automobile » : en fait, il est plus fort

L’ex-patron du Medef raillait Tavares sur sa rémunération en le qualifiant de « Mbappé de l’automobile ».

Sauf que Tavares est plus fort dans son secteur, et 2 fois moins payé que Mbappé.

Quand les entreprises performent fort et longtemps, le marché finit par s’en rendre compte.

Les 4 tableaux qui suivent le montrent parfaitement :

#1 – D’abord, on observe la progression combinée du chiffre d’affaires ET du bénéfice net depuis la prise de fonction de Tavares et la fusion qui donna lieu à Stellantis (en 2019).

#2 – Conséquence de cette performance, un renforcement du bilan « vertueux » : Stellantis crée plus d’actif tout en réduisant sa dette.

#3 – 2 ans après l’introduction en bourse de Stellantis (2021), le groupe continue à améliorer tous ses ratios : croissance du CA, meilleure profitabilité, hausse du bénéfice par action, etc.

#4 – On en arrive à la réaction du marché : +100% de progression du cours de bourse depuis juillet 2022. La société qui valait 40 milliards en vaut désormais 80.

Désolé pour l’analogie avec le football, mais signer une performance pareille en 5 ans, c’est ce que j’appelle gagner la Ligue des Champions de l’automobile.

(Ligue des Champions que Mbappé n’a toujours pas gagnée – en dépit de ses 72 millions d’euros annuels)

Alignez vos intérêts avec le patron en 5 minutes

Si vous êtes un investisseur de Stellantis, vous vous dites peut-être : « franchement 10 millions de moins, ça lui changerait quoi à Tavares ? »

Et s’il était payé 10 millions de plus, ça vous changerait quoi à vous ?

Pas grand-chose, si ce n’est la quasi-certitude que votre création de valeur ne serait pas de +100% mais peut-être de +150%.

À chacun sa vision de l’argent, mais nous investissons tous pour gagner. Et ça me va très bien que celui qui a orchestré ma plus-value soit récompensé.

S’il gagne, ça veut dire que j’ai gagné. Et soit dit en passant, les 36 millions de Tavares représentent 0,0115 € par action en circulation. Moins de 2 centimes.

Donc que personne ne vienne faire le coup de « les bonus de Tavares c’est de l’argent en moins pour les actionnaires ».

À la place, je vous propose d’aller toujours désormais consulter le rapport annuel d’une société dont vous êtes l’actionnaire, ou qui vous tente.

À la section « Gouvernance » ou « Rapport sur les rémunérations », vous allez pouvoir regarder comment est calculé le package du patron.

L’information est obligatoire pour les entreprises cotées : vous la trouverez.

D’expérience, je recommande de faire attention aux patrons motivés par 1 ou 2 seuls gros critères, comme le cours de bourse ou l’EBITDA (résultat opérationnel).

Ce genre de structure de rémunération incite les dirigeants à tout faire pour gonfler le cours de bourse, en prenant des risques.

Ou bien à mener une politique commerciale agressive tout en coupant les coûts pour afficher un meilleur EBITDA.

Ce genre de dérives s’est observé à l’époque des stock-options trop généreusement attribuées.

Préférez une rémunération (toute proportion gardée) « à la Tavares », avec des critères diversifiés et nombreux :

  • Sur la partie « business » : progression du chiffre d’affaires, déploiement de la stratégie définie

  • Sur la partie « finance » : progression du bénéfice net attribuable aux investissements / distribuable aux actionnaires

  • Sur les capacités de financement : progression de la capacité de financement (du cash-flow généré), surveillance de la notation de la dette de l’entreprise

  • Sur la qualité de la production (satisfaction des clients)

  • Sur les critères ESG :
    • Réduction des gaz à effet de serre ;
    • Promotion de femmes dans l’équipe dirigeante ;
    • Satisfaction des équipes à travailler dans l’entreprise ;

Etc.

Je le répète : si la plupart des voyants sont au vert, le cours de bourse suivra.

Et si le dirigeant ne coche pas toutes les cases, au moins il aura réussi dans des objectifs variés. Sinon, il faut le dégager !

Cerise sur le gâteau : je préfère quand ces bonus sont attribués en actions à exercice différé plutôt qu’en cash. Une action dont on ne peut bénéficier que dans le futur oblige à une saine gestion de long terme.

Les 10 millions de trop ?

Revenons à l’ami Tavares. La presse a pointé du doigt une prime de 10 millions liée à la transformation du groupe Stellantis.

A priori, c’était son job de transformer Stellantis, et il était payé pour ça.

Sauf que… aucun CEO n’avait jamais fait ce qu’il a réussi

Fusionner 3 constructeurs qui n’ont RIEN à voir, sur 2 continents, en faire un portefeuille de marques positionné access haut de gamme, tout en gagnant des parts de marché, chapeau.

Stellantis se hisse en tête des ventes 2023 en France (31 % de part de marché), notamment sur le segment des véhicules électriques (10 points d’avance sur Renault).

Le mieux : lors du Salon de l’électronique (CES) de Las Vegas, Tavares a annoncé qu’il allait produire les futurs taxis volants d’une start-up américaine qui veut commercialiser des aéronefs électriques !

Question transformation du groupe, on peut dire qu’elle est réussie.

On ne peut pas dire ce qui se serait passé s’il n’avait pas été motivé par les 10 millions. Mais on sait ce qui s’est passé, et on s’en frotte les mains.

La preuve : les actionnaires viennent de voter il y a quelques heures un large et franc « OUI » au versement des 36 millions !

À propos : Stellantis ne vaut que 6x son résultat net. Ce n’est pas cher, à 25 euros l’action. Si elle poursuit ses objectifs dans les véhicules modernes électriques et qu’elle parvient à augmenter ses ventes, elle pourrait encore progresser de +25% en 2024.

Et Stellantis rentrerait dans le club des entreprises valant plus de 100 milliards.

Ça vaut bien 36 millions, non ?

Je vous reparle très vite. 

D’ici là, visez juste et placez bien.

Felix Baron