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Cher membre du Club,

La loi de Pareto est à nouveau vérifiée.

Vous savez : 20% des causes expliquent 80% des effets (si je l’exprime grossièrement).

Eh bien, le paysage boursier mondial est une super-loi de Pareto : la concentration de valeur n’a jamais été aussi forte. Et cela nous dit clairement où va l’argent.

Il y a 10 500 sociétés cotées sur 80 marchés boursiers différents, représentant 123 500 milliards de dollars de capitalisation. 

  • 52% de cette capitalisation est concentrée sur la seule bourse américaine
  • 20% des sociétés cotées valent 90% des 123 500 milliards…

Que le marché soit dominé par les USA, vous le saviez. Mais il y a plus impressionnant :

  • Les 20 premières entreprises valent un quart du total (et 17 sont américaines) ;
  • Les 5 premières en représentent 13%
  • La première (Nvidia) vaut… 4 180 milliards !

Une seule société vaut plus que les 600 sociétés cotées françaises. Elle vaut à elle seule un tiers du marché boursier européen.

Mais il y a quelque chose d’étrange : la performance des 5 premiers poids lourds au niveau mil ondial est loin d’être mirobolante en 2025.

Cet article va donc traiter 2 concentrations différentes : en volume, et aussi en valeur.

Et vous allez voir : les sociétés les plus performantes ont un point commun avec les mieux valorisées.

Un point commun qui vaut très, très cher une fois qu’il est mis en portefeuille

Des obligations déguisées en actions 

NVIDIA, Microsoft, Apple, Amazon, Alphabet, Meta (Facebook), Saudi Aramco, Broadcom, TSMC, Tesla.

10 entreprises valant 22 700 milliards de dollars, près de 20% de la valeur boursière mondiale.

La concentration actuelle des top valeurs boursières autour des géants américains de la tech est à la fois fascinante, inquiétante et révélatrice.

Car les indices mondiaux (S&P 500, Nasdaq, MSCI World) … sont littéralement pilotés par ce top 10 (voire ce top 1 !).

Et La tech domine tout : semi-conducteurs (Nvidia, TSMC, Broadcom), plateformes (Amazon, Alphabet, Meta), logiciels (Microsoft, Tesla), équipement (Apple, Tesla).

Cela vous indique donc que l’économie actuelle est ultra-dépendante :

  • Du cloud, des semi-conducteurs, de l’IA et du commerce en ligne
  • Des réseaux publicitaires et de data (Google, Meta, Amazon)
  • Et de l’infrastructure de l’économie numérique. 

20% de la richesse mondiale y sont investis – sur 9 sociétés (Saudi Aramco est une pétrolière).

Donc ce qui peut vous inquiéter, c’est le risque de concentration systémique : la moindre baisse sur ces colosses fait mathématiquement vaciller tout le marché.

Par exemple, quand Nvidia a perdu 14,5% entre le 2 et le 4 avril dernier, cela a frappé les grands ETFs et indices : le Nasdaq perdait 11%, le MSCI World perdait 9%.

Même si vous ne détenez aucune action du Top 10, vous serez affecté par leur amplitude.

Et le risque de volatilité est élevé, puisque ces entreprises sont valorisées sur des attentes de croissance très fortes. La moindre déception dans les résultats peut avoir un effet domino – c’est une volatilité qui pèse plus sur le reste du marché que sur elles-mêmes.

Mais il n’y a pas que les résultats : la crise de la dette américaine, l’inflation trop forte, ou le ralentissement de l’économie mondiale pourraient affecter ces super-capitalisations.

Et je dis bien « pourraient », au conditionnel.

Car cette concentration a des fondements rationnels d’un point de vue financier.

Déjà, toutes ces sociétés dégagent des dizaines de milliards de dollars de bénéfices chaque année, sans anicroche.

Le Top 10 représente 613 milliards de dollars de profit pour les actionnaires en 2024.

Si l’on compare à la valeur de marché, cela donne un ratio PER (Capitalisation / Bénéfice) de 36x.

Traduction : vous investissez 36 $ par an pour récupérer 1$ de bénéfice. Soit un « rendement » boursier d’environ 2,7%.

(Au passage, les actions du secteur du luxe – sans forte croissance ni innovation – s’échangeaient sur des PER de 40/50x, ce qui rend la tech relativement peu chère)

Ce n’est pas très rentable. Mais vous misez sur les entreprises les plus profitables, les plus innovantes, les plus résilientes. Ce sont elles qui ont les meilleurs départements de R&D, avec des retours sur capital investi d’environ 25% !

Ajoutez à cela le fossé technologique, politique et juridique qu’elles ont creusé : pas de concurrents, pas de contraintes…

…Pas de risque, alors ?

Je dirais que cette concentration respecte le couple rendement / risque. Le prix des actions intègre déjà les perspectives de croissance, qui sont devenues très prévisibles (sauf pour Nvidia).

Elles n’ont donc pas de potentiel explosif à la hausse, ni vraiment à la baisse, puisqu’elles contrôlent leurs marchés. Elles sont devenues des obligations déguisées : chères et peu risquées.

Si vous y êtes exposé, veillez à une chose : équilibrez votre portefeuille avec leurs fournisseurs.

Infrastructures, énergie, semi-conducteurs, data centres, cloud : même si elles en possèdent, elles en dépendent.

Ce qui m’amène au sujet de la deuxième concentration.

Qualité versus quantité : même combat

Penchez-vous sur les actions les plus performantes depuis le début de l’année en regardant le graphique ci-dessous :

La performance est concentrée sur Seagate (stockage de données), Palantir (analyse de données), Supermicro (stockage de données), NRG Energy (centrales électriques), et Uber (plateforme de mobilité).

Globalement, il s’agit de technologie au sens large. Mais ce qui les distingue des colosses du Top 10, c’est leur profil de croissance :

En offrant des hausses aussi marquées, le marché anticipe une accélération des cash-flow massifs. Les investisseurs s’attendent à : 

  • Une accélération des revenus sur des services innovants (ex. Uber, Palantir)
  • Des marges en expansion (Supermicro)
  • Un fossé technologique ou concurrentiel renforcé. 

Le marché paie cher pour un potentiel que les entreprises du Top 10 n’ont plus. Elles gèrent déjà une rente, leur modèle ronfle en vitesse de croisière.

Cette concentration dans la performance indique aussi la montée en puissance de la deep tech et de l’infrastructure numérique.

Si vous m’avez lu ou écouté en 2025, vous allez penser que je rabâche.

Mais c’est crucial de le retenir : l’infrastructure numérique est à l’IA ce que les modems étaient à l’internet.

Et le graphique ci-dessous le prouve : Palantir, Supermicro, Seagate : toutes liées aux infrastructures d’IA, au stockage (date centers, cloud), aux supercalculateurs.[FB1] 

Dans l’émergence de l’IA, ces valeurs profitent d’un double levier : 

  • Des dépenses massives des entreprises du Top 10 dans le cloud et l’IA ;
  • Et d’une croissance mondiale exponentielle des besoins en data et en analyse prédictive.

On en revient à l’image des « pelles et des pioches » de l’IA : les sociétés les plus performantes en bourse aujourd’hui vendent les outils et l’infrastructure, et pas les applications visibles. 

Ça vous fait penser à quelque chose ? 

Souvenez-vous du Top 10 des capitalisations : cloud, semi-conducteurs, data.

Voilà le point commun de la concentration, voilà où va l’argent.

Le Top 10 des colosses vit sur une rente installée sur ces marchés, tandis que le top 5 est dopé par la croissance de ces marchés.

Et si vous avez été observateur, vous avez identifié un autre signal « bonus ».

L’énergie est loin d’être acquise

La présence de Saudi Aramco dans le Top 10 est bien logique : la major pétrolière a encaissé 205 milliards de bénéfices sur les 12 derniers mois.

Elle est championne du monde de la marge nette (environ 30%) et mérite sa place parmi les colosses de la tech.

Les 2 concentrations (en volume, en performance) ont tendance à montrer que la data, le cloud sont le carburant de l’économie mondiale.

Oui, mais il faut quand même brancher la prise.

Et le graphique ci-dessus l’indique clairement : l’économie numérique.

Les data centers, les supercalculateurs, l’hébergement de cloud, les logiciels… rien de tout ça ne tourne sans énergie.

D’où la présence de NRG Energy (fournisseur d’énergie aux US notamment aux data centers) dans les valeurs sur-performantes. Car le marché anticipe : 

  • Un retour de la volatilité sur les prix de l’énergie – comment pourrait-il en être autrement puisque la demande explose ;
  • Un rôle-clé dans la transition énergétique (électrification, stockage) des acteurs polyvalents – la technologie ne peut pas compter sur l’énergie intermittente du renouvelable. 

Gardez ce signal à l’esprit. Pour le moment, avoir de l’énergie abondante et disponible nous semble acquis.

Je doute que ce soit encore le cas en 2030.

D’ici là, gardez votre « concentration ».

Bons investissements.

Felix Baron